La baisse du prix de l’essence ne sourit pas qu’aux automobilistes

(Québec) Il n’y a pas que les automobilistes qui sourient devant les faibles coûts à la pompe. Le Soleil a fait un tour d’horizon pour constater l’impact de la chute du prix de l’essence dans différents secteurs. La Ville de Québec en profite pour sa flotte de véhicules, les PME soupirent de soulagement, mais certains ne voient pas de différences sur leurs activités.

Beaucoup d’économies à la Ville de Québec

Chaque baisse d’un cent à la pompe se traduit par pas moins de 68 000 $ d’économies par an à la Ville de Québec.

Ce chiffre est une extrapolation devant laquelle il faut rester prudents, mais même une légère baisse peut faire une grande différence pour une municipalité qui possède 1800 véhicules consommant 2,6 millions de litres d’essence régulière et 4,2 millions de litres de biodiesel par an.

Mentionnons aussi que le prix payé par la Ville est inférieur à celui dans les stations-service, en vertu d’un contrat de gros par appel d’offres, explique le porte-parole de la Ville de Québec, David O’Brien.

Reste que la différence est visible, alors que le prix est révisé chaque semaine. Par exemple, dans la semaine du 3 au 9 novembre, avec l’essence régulière à 1,15 $ le litre, la dépense a été de 57 500 $. Du 22 au 28 décembre, alors que le prix du litre payé par la Ville a baissé à 96 ¢, les véhicules ont englouti 48 300 $ d’essence.

Le prix du biodiesel a moins baissé, passant de 1,20 $ à 1,16 $ entre les deux périodes, faisant passer la consommation de 97 200 $ à 93 660 $. Au total, la Ville de Québec aura donc payé 12 440 $ de moins en carburant entre ces deux semaines. Valérie Gaudreau

Moins de clients pour les taxis

«Quand l’essence baisse, ça encourage les gens à prendre leur voiture, à se déplacer par eux-mêmes. En ce sens, ça affecte notre clientèle.» Omar Berri, porte-parole de Taxi Coop à Québec, soulève une contrepartie à la bonne nouvelle du carburant vendu de moins en moins cher.

D’un côté, l’industrie du taxi se réjouit de la situation, puisque l’essence est le coût de fonctionnement le plus élevé, au-delà de l’immatriculation, des assurances, des pneus… Mais s’il y a moins de clients, comme en ce début d’année, le bénéfice est annulé, calcule-t-il. L’argent sauvé à la pompe dépend aussi de la consommation de chaque véhicule.

«Une voiture hybride ou une minivan, ce n’est pas pareil.» Il ajoute qu’il est difficile en si peu de temps de parler d’une «énorme économie», alors que l’essence a réellement chuté cet automne. Quant à la tarification, M. Berri précise que c’est la Commission des transports du Québec qui fixe les prix à la suite d’audiences publiques en septembre pour l’année suivante. Donc, pas de changement à prévoir avant janvier 2016. Alexandra Perron

Hausse des exportations à l’horizon

Dégringolade des prix du pétrole. Baisse de la valeur du huard. Les entreprises exportatrices ont toutes les raisons d’être aux petits oiseaux.

Au rythme où vont les choses, les exportations québécoises vers les États-Unis devraient augmenter de 15 % en 2015, selon Manufacturiers et Exportateurs du Québec.

Son président, Éric Tétrault, parle d’un «cercle vertueux» pour les entreprises manufacturières en général. Et, par la bande, pour les consommateurs. «De l’énergie moins chère et un dollar à la baisse font reculer les coûts de production.»

Le gouvernement du Québec va en tirer aussi des bénéfices. Il engrangera plus de revenus en raison d’une plus grande activité économique générée par une hausse de la consommation.

S’il y a une chose à craindre, prévient M. Tétreault, c’est que la volatilité engendrée par les fluctuations du prix du pétrole ne vienne couper les ailes du secteur canadien de l’énergie et des ressources naturelles qui pourrait ainsi mettre sur la glace des projets d’investissement. Or, ce secteur est névralgique pour le Canada. Et pour le Québec qui, par péréquation, profite des bons rendements obtenus par les provinces productrices d’or noir. Gilbert Leduc

Enfin, de l’oxygène pour les PME

«C’est certain que les dirigeants de PME vont prendre les bonnes nouvelles quand elles passent et ces dernières années, elles ont été plutôt rares.»

Économiste principal à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Simon Gaudreault affirme que les propriétaires de PME poussent un soupir de soulagement en examinant leurs coûts d’exploitation. «La pression venant du prix du carburant et de l’énergie sur les coûts d’opération d’une PME est l’une des principales épines au pied des dirigeants.»

Si ça lui coûte moins cher pour fabriquer et transporter un produit, une entreprise en fera profiter, en principe, les consommateurs. «Avec plus d’argent dans ses poches, ces derniers feront rouler l’économie. Le commerce de détail en bénéficiera, notamment les détaillants indépendants qui souffrent de la concurrence des grandes chaînes et des loyers de plus en plus élevés.»

Moins pris à la gorge, les dirigeants pourront enfin avoir les marges de manoeuvre nécessaires pour réaliser des investissements, pour améliorer la productivité et éventuellement pour créer des emplois.

Pour Simon Gaudreault, les grands gagnants de la baisse des prix du pétrole sont les entreprises de transport de marchandises. Dans la colonne des perdants, il y a les détaillants et les distributeurs de produits pétroliers qui voient fondre leur marge de profit. Gilbert Leduc

Billets d’avion: un facteur parmi tant d’autres

Quel effet a la baisse du prix du carburant sur les compagnies aériennes? Est-ce que les consommateurs peuvent s’attendre à voir le coût des billets d’avion diminuer si la tendance se maintient?

Chez Air Canada, la responsable des relations avec les médias, Isabelle Arthur, écrit ne pas pouvoir faire de suppositions quant aux modifications ultérieures des tarifs ou des frais. Elle informe que règle générale, Air Canada surveille de près le prix du carburant, sa «plus grande dépense», et envisage constamment apporter des modifications à la tarification et à la capacité.

Par ailleurs, d’autres facteurs ont une incidence sur la tarification. Elle énumère les modifications liées aux devises, les conditions du marché, la concurrence, l’offre et la demande.

«Nous les examinons continuellement afin d’en tenir compte pour ajuster les tarifs à la hausse et à la baisse. De tels ajustements de prix sont courants au sein de l’industrie.» Elle souligne enfin que le carburant est acheté en dollars américains, «ce qui a un effet défavorable en raison de la récente diminution de la valeur du dollar canadien». Alexandra Perron

Le RTC «protégé»

Les variations du prix du carburant n’ont pas d’influence sur la comptabilité du Réseau de transport de la Capitale (RTC). «Nous nous sommes protégés contre les fluctuations du prix de l’essence avec un contrat de couverture de risque sur une commodité que les comptables nomment le swap», explique Julie Drolet, porte-parole du RTC. Avec un contrat par lequel le transporteur se protège des hausses des prix à la pompe, par l’achat d’un indice sur les coûts. Il ne subit pas les hausses, mais il ne profite pas des baisses. Par contre, le RTC contrôle le poste budgétaire qui concerne l’essence. Le contrat couvre les années 2014 et 2015. Yves Therrien

Influence minimale sur les entreprises de transport

Pour le spécialiste du transport par camion Groupe Robert, le prix du carburant n’a pas beaucoup d’influence, explique la directrice du marketing, Carolin Lacroix. Il y a le Freight Carriers Association of Canada qui établit un prix de base moyen pour tout le Canada. Actuellement, le prix est fixé à 39 ¢ le litre. Le Groupe Robert ne paye pas si peu pour son diesel, mais il y a une surcharge facturée aux clients du transporteur en fonction du prix à la pompe.

Cependant, les fluctuations du prix ont une influence sur la facture des clients, car la surcharge variera selon les hausses et les baisses sur le marché. «Si le prix baisse, c’est le client qui en bénéficiera», ajoute Mme Lacroix. Les gros clients, comme les chaînes d’alimentation par exemple, gèrent leur contrat de transport en fonction des indices des prix en vigueur sur le marché canadien. Yves Therrien

Kéolis: pas assez pour effacer le déficit

Pour Patrick Gilloux, président et chef de la direction de Kéolis Canada Orléans Express, la baisse des prix de l’essence ne dure pas depuis assez longtemps pour influencer le déficit d’exploitation de la division Orléans Express. «Ça nous donne un peu d’oxygène, mais ce ne sont pas quelques milliers de dollars» qui viendront effacer le déficit d’exploitation de plus de 8 millions $ des deux dernières années.

«Il n’est pas question de jouer avec les prix des billets à la hausse et à la baisse, car les fluctuations sont trop nombreuses, estime M. Gilloux. Au cours des trois dernières années, les prix des billets n’ont pas changé et c’est Orléans Express qui a absorbé les coûts.»

Dans le cas des ententes contractuelles avec des MRC ou des communautés, les contrats comportent des clauses indicielles touchant la variation des prix du carburant avec des révisions au contrat à la hausse ou à la baisse en fonction des prix à la pompe. Yves Therrien

Source : La Presse

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