Chauffeurs de taxi : mobilisés pour la sécurité

© Frédérique Charest
« Nous sommes livrés à nous même », fait valoir Rossini Jean-Baptiste (centre), un chauffeur de taxi. Son collègue, Boualem Bouchetout (gauche) a déjà été attaqué avec un couteau

Depuis le meurtre de Ziad Bouzid, la sécurité dans les taxis est une question épineuse. La Ville veut mieux réglementer, mais le plan d’action reste à définir. Pour comprendre les craintes et les récriminations des chauffeurs, le Progrès est parti à leur rencontre dans le quartier.

Frédérique Charest

Les yeux fermés, Carlos Lucia attend patiemment son prochain client dans son taxi stationné au coin de la rue Robert et du boulevard Viau.

Entre deux courses, il accepte de nous parler.

« Je travaille de jour, c’est moins dangereux. Mais ceux qui travaillent de nuit, c’est une autre affaire. Les gens sont drogués ou ils ont bu de la bière. Ils vont dans les tavernes et après, comme ils n’ont plus d’argent, ils viennent en voler dans les taxis. »

En 45 ans de métier, il n’a jamais été attaqué. Mais des histoires d’agression, il en a entendu beaucoup au fil des ans, comme celle qu’a vécue son collègue, Boualem Bouchetout.

« J’ai déjà été attaqué dans le taxi. Voyez ici, j’ai reçu un coup de couteau, raconte-t-il, pointant vers son visage. Deux gars m’ont agressé. J’ai eu huit points de suture à la tête. »

Travailler la nuit peut s’avérer rentable, mais les risques que courent les chauffeurs sont décuplés lorsque le soleil est couché et que les bars se vident.

« Jamais je ne retravaillerai la nuit. Des gars ont essayé de me voler avec un pistolet, d’autres m’ont frappé en arrière de la tête », confie Jo Boulet.

Un meurtre tragique

Le meurtre de Ziad Bouzid, un chauffeur de 45 ans abattu froidement en novembre dernier, a ébranlé l’industrie du taxi.

« On s’est senti touché. Ça peut arriver à n’importe qui. Pour nous autres, c’est dégueulasse », déplore M. Boulet.

« Je ne me sens pas en sécurité, compte tenu des événements qui se sont produits au fil des ans. Nous sommes livrés à nous-même », constate Rossini Jean-Baptiste.

M. Lucia, lui, croit que l’assassinat de son confrère est déjà oublié.

« Quand il arrive quelque chose du genre, tout le monde en parle, même le gouvernement, mais après, on en entend plus parler. On passe à autre chose jusqu’à ce qu’il y ait un autre incident. »

Une nouvelle réglementation

Pourtant, le meurtre de M. Bouzid a fait des vagues. Dans son sillon, le Bureau du taxi de Montréal (BTM) mène une consultation publique. En juin, Il remettra à la Ville des recommandations.

Les chauffeurs n’y fondent pas beaucoup d’espoir.

« Il y a déjà un bouton d’urgence, mais il n’est pas relié à une centrale. Tout ce qu’il fait, c’est allumer un signal lumineux 9-1-1 sur le dessus de la voiture. À moins que la police soit en arrière de toi et le remarque, ça ne sert à rien », explique M. Bouchetout.

Le BTM a recommandé dans le passé de relier les signaux d’alarme aux services d’urgence. Il a aussi proposé d’installer des caméras dans les véhicules.

« La caméra ne donnera pas grand-chose. Elle ne peut pas te protéger. Le gars qui est saoul ne va pas s’empêcher de te faire quelque chose parce qu’il est filmé », opine M. Boulet.

M. Bouchetout, lui, s’inquiète plutôt pour son portefeuille.

« On est débordé de frais! Les plaques et l’essence ont doublé. Je ne pense pas que les chauffeurs vont accepter d’installer des caméras si c’est eux qui doivent payer. »

La plupart des chauffeurs se disent plus ouverts à l’aménagement d’une cloison entre le siège du conducteur et la banquette arrière.

Toutefois, une étude américaine de 2012, citée par le BTM, a démontré que l’utilisation d’un séparateur n’a eu aucune incidence sur le nombre de meurtres de chauffeurs de taxi. Les municipalités qui obligeaient l’installation d’un dispositif vidéo ont réduit leur taux d’homicide à zéro.

Source: Le progrès Saint-Léonard

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