Comment Internet change le droit… et le taxi

Les possibilités rendues accessibles par Internet contribuent à changer les perceptions à l’égard de ce qui est nécessaire et légitime.

Par les possibilités qu’il procure, Internet fait paraître moins légitimes certaines réglementations.

Internet permet l’existence d’outils et de façons de faire qui contribuent à modifier les idées, les perceptions et les « évidences » qui justifient les réglementations. Il est en cela qu’il est un important facteur de changement.

Voici l’exemple de l’application UBER : il permet à une personne raccordée au réseau d’interagir avec d’autres, en l’occurrence des personnes qui disposent d’une voiture et qui projettent de se déplacer dans la même direction.

Pour un coût minime, l’application met en présence les chauffeurs qui proposent leurs services et les clients désireux de se déplacer.

Le principe de l’application lancée par l’entreprise UBER, présente dans des dizaines de grandes villes réparties dans 35 pays (dont Montréal) et Hailo repose sur quelques idées simples :

Un internaute dispose d’une voiture et prévoit se déplacer d’un point A à un point B. Uber, permet d’identifier les personnes qui doivent faire plus ou moins le même trajet au même moment.

Les applications comme UBER et Hailo mettent en contact et calculent la contribution à payer par le passager. Le conducteur et le passager se donnent rendez vous. Une fois le trajet accompli, le paiement est traité par l’application mobile qui débite/crédite les comptes respectifs du passager et du conducteur.

Ce phénomène illustre comment Internet bouleverse les façons de faire et peut faire paraître obsolète les modèles traditionnels comme ici celui des réseaux de taxis.

Du coup, les raisons pour lesquelles on considère que la réglementation est légitime connaissent des changements.

Avant Internet, cette opération de mise en présence était assurée par les entreprises qui opèrent des centres de répartition. Ces entreprises, les intermédiaire en services de transport par taxi doivent selon le Règlement sur les services de transport par taxi, être titulaire d’un permis.

L’article 34 de la Loi concernant les services de transport par taxi prévoit que « Seul un titulaire de permis d’intermédiaire en services de transport par taxi peut fournir aux propriétaires et aux chauffeurs de taxi des services de publicité, de répartition d’appels ou d’autres services de même nature. »

Avec les applications de type UBER, la mise en présence du passager et du chauffeur est effectuée automatiquement, Sans intervention d’une personne qui reçoit l’appel téléphonique et qui relaie ensuite la demande aux chauffeurs disponibles puis assigne le voyage à l’un d’eux.

L’avènement de ce type d’application influe sur les raisons qui à ce jour justifiaient les réglementations.

À l’époque ou la plupart des réglementations de l’industrie du taxi ont été mises en place, l’opération d’appariement des clients et des chauffeurs de taxi était onéreuse : elle supposait une organisation afin de recevoir les appels, identifier les voitures disponibles et attribuer à un conducteur la tâche d’aller chercher et de conduire le client à destination.

Une application comme UBER change ces conditions : elle automatise et facilite ces opérations de mise en relation entre le voyageur et le transporteur.

Du coup, il se trouve des entrepreneurs pour tirer parti de ces nouvelles possibilités. Ils font valoir que l’application ne fait que faciliter le contact entre les personnes qui souhaitent se déplacer celles qui sont prêtes à les accommoder en leur procurant une possibilité de covoiturage.

Vu d’une telle perspective, on ne voit pas en quoi cela tomberait sous le coup de la réglementation de l’industrie du taxi.

L’industrie du taxi voit les choses d’un tout autre œil : elle soutien que l’application UBER et les autres du même type effectuent les mêmes opérations que celles des entreprises de taxi.

Mylène Péthel explique que « Les différents regroupements du secteur craignent une baisse de la qualité du service puisque contrairement aux compagnies traditionnelles, ces entreprises n’ont pas de comité de discipline pour sanctionner les chauffeurs et elles ne sont pas soumises à une surveillance aussi importante ».

On est ici témoin du désaccord quant à la métaphore adéquate pour qualifier un service offert par Internet.

D’une part, UBER et les entités semblables invoquent qu’il ne font que réunir des personnes qui souhaitent voyager ensemble tandis que l’industrie du taxi qualifie le bidule de système de répartition analogue à celui qu’ils opèrent moyennant d’importantes obligations réglementaires.

Alors le conflit est né : l’industrie du taxi demande pourquoi une entreprise effectuant la même chose que nous serait exemptée de la réglementation à laquelle nous sommes tenus d’obéir ?

Les tenants des nouvelles applications de type UBER soutiennent qu’ils ne font que relier des individus qui veulent voyager et qui veulent en transporter d’autres.

S’engage alors un débat sur la qualification de ce que fait l’application internet versus ce que font les entreprises se trouvant du coup menacées.

Des changements de perception

En somme, l’avènement de l’application sur Internet a changé les perceptions, les raisons qui faisaient en sorte que l’on considérait évident et légitime de réglementer une activité (ici l’industrie du taxi) de la façon dont on la réglemente.

De plus en plus estiment que les raisons de réglementer n’existe plus, la légitimité de la réglementation est compromise.

Devant ces différences de visions, les autorités publiques sont appelées à intervenir.

L’intervention pourra emprunter la voie judiciaire, par exemple à Bruxelles, les tribunaux ont estimé que UBER contrevenait à la réglementation des taxis.

Dans d’autres villes, les réglementations pourront être modifiées. Par exemple, afin de permettre à l’industrie traditionnelle du taxi de concurrencer les nouveaux joueurs amenés dans le domaine par cette innovation, on sera tenté de réduire les exigences imposées par les règlements.

Voilà comment une innovation engendrée par Internet et les outils mobiles change le droit.

Cet exemple permet d’illustrer que le droit change parce que changent les conditions dans lesquelles se déroulent les activités, ici l’appariement entre un voyageur et un chauffeur.

Les controverses quant à la légitimité d’une réglementation se fondent souvent sur des désaccords quant à la qualification de l’activité qui est en cause.

Si on qualifie l’activité autour de UBER comme une simple opération de mise en présence d’un voyageur et d’un automobiliste, il paraît illégitime de traiter l’opération comme s’il s’agissait de taxi.

Par contre, si on qualifie l’opération à partir de la similitude des besoins qu’elle vient combler, on est plus enclin à convenir qu’il s’agit d’une fonction analogue à elle assurée par les taxis. D’un tel point de vue, il paraît injuste qu’une telle entreprise ne soit pas soumise aux exigences imposées aux entreprises de taxi.

Ce sont les termes du débat !

Source : JournaldeMontréal.com

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