Le courage est une vertu pour les chauffeurs de taxi

SHERBROOKE – Chauffer une voiture de taxi à Sherbrooke durant la nuit, particulièrement le week-end, n’a rien à voir avec une romantique balade en calèche dans les rues de Québec. Certes, ce n’est pas la jungle aux 1001 dangers, mais le métier réserve parfois des surprises inattendues teintées de violence.

 

L’agression d’un chauffeur de taxi, à la fin juillet, dans un secteur de Sherbrooke, en est une preuve éloquente.

« Nous n’avons aucune protection, on se sent un peu délaissé à nous-mêmes. N’importe qui peut entrer dans notre voiture. Non, ce n’est pas toujours évident ce métier-là », de commenter un chauffeur de la compagnie Taxis de Sherbrooke qui préfère garder l’anonymat.

« Il n’y a pas que les week-ends que l’on a affaire à des gens parfois violents, ça se passe aussi durant la semaine et en plein jour. En tout cas, pour ma part, j’encaisse souvent des remarques désobligeantes juste par ce que je ne suis pas Québécois. On me traite parfois de voleur de jobs, de crosseur. C’est pas toujours joli », d’émettre le Serbe d’origine qui pratique ce métier depuis 10 ans déjà.

« Un client qui n’est pas satisfait de nos services a toujours la liberté de porter plainte à la compagnie. De notre côté, on n’a pas cet avantage-là », déplore celui qui s’exprime avec un français impeccable.

Ce dernier se dit pleinement d’accord avec l’idée de doter les voitures de taxi de caméras dans l’exercice de leurs fonctions. « En fait, dit-il, je suis en faveur de toutes initiatives nous procurant une plus grande sécurité. »

Avec une expérience de 42 ans derrière la cravate, Roland Boulé convient qu’il faut toujours demeurer sur ses gardes. « Il y a toute une fauve la nuit durant les fins de semaine, convient le chauffeur de taxi. Au prorata de la population, on vit sensiblement les mêmes choses que nos confrères de Québec ou Montréal. Je pense cependant que lorsqu’il survient des attaques, comme celle survenue récemment à Sherbrooke, il vaudrait mieux ne pas en parler, ne pas trop ébruiter ça. Le fait de publiciser tout ça donne des idées à d’autres », estime le chauffeur de Taxis de Sherbrooke.

Il y a quelques années, Roland Boulé a dû affronter un client armé d’un couteau. « Il m’a mis le couteau sous le menton et m’a exigé de lui refiler 50 $. Je ‘avais pas cette somme sur moi et j’ai pris une chance : je lui ai serré solidement le poignet jusqu’à ce qu’il échappe son couteau. Disons que c’est un épisode qui fait réfléchir », raconte l’homme aux nerfs d’acier.

Roland Boulé ne cache pas que les chauffeurs de taxi développent des aptitudes pour décortiquer la personnalité du type qui vient d’entrer dans le véhicule. «Juste le langage corporel en dit beaucoup, dit-il à cet effet.

À l’instar de plusieurs de ses confrères, il se dit lui aussi d’accord avec l’idée d’équiper les voitures de taxi d’une caméra. « À condition que les policiers acceptent de s’en servir pour leurs enquêtes. Si non, ça ne servira pas à grand chose », croit-il.

Éric Gagné, 45 ans, a pris les moyens d’atténuer ses craintes. « Moi je ne fais plus de taxi la nuit, c’est fini. Bien des gens pensent que c’est facile de faire ce travail. Ils devraient l’essayer pour voir…», de confier celui qui a, lui aussi, été menacé par un client armé d’un couteau.

« C’était un jeudi soir. Il était 11 h 15. J’ai eu toute une frousse. Le même gars a récidivé dans la nuit, vers 5 h du matin, auprès d’un autre chauffeur de taxi. Le gars a sûrement dû être animé d’un grand sentiment de culpabilité puisqu’il a avoué ses méfaits à son psychologue. C’est comme ça que la police est parvenue à l’épingler », raconte Éric Gagné.

Source : Le journal de Sherbrooke

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