Dr. Cabbie: l’appel de l’Inde pour Jean-François Pouliot

Après La grande séduction et Le guide de la petite vengeance, Jean-François Pouliot se lance dans l’aventure indienne avec Dr. Cabbie, la drôle et touchante histoire d’un médecin venu s’installer à Toronto, mais qui doit se résoudre à devenir chauffeur de taxi.

Il s’appelle Deepak Chopra (Vinay Virmani) – eh oui, comme le médecin et auteur – et vient d’obtenir son diplôme de médecin de l’université de New Delhi. Son oncle Vijay (Rizwan Manji) ayant un restaurant – le Karma Soutra (!) – à Toronto, Deepak décide de venir s’installer dans la Ville-Reine en compagnie de sa mère, Nellie (Lillete Dubey, vue récemment dans l’excellent The Lunchbox). Comme le Canada manque cruellement de médecins, le jeune homme imagine qu’il va pouvoir exercer sa profession sans aucun problème!

Mais comment passe-t-on du petit village de Sainte-Marie-la-Mauderne aux rues de la métropole canadienne? «C’est grâce au producteur québécois André Rouleau [NDLR: on lui doit notamment Polytechnique, Starbuck ou encore Goon], avec qui je voulais travailler depuis longtemps. Il m’est arrivé avec ce scénario et cela a été une surprise pour moi, d’autant que c’était un genre complètement différent de ce que j’avais touché avant», a indiqué Jean-François Pouliot lors d’une entrevue accordée à l’Agence QMI à moins de deux semaines de la sortie du long métrage, fixée au 19 septembre.

ATTACHEMENT AUX PERSONNAGES

«Ça m’a fait plaisir! Quelle idée exceptionnelle que ce médecin étranger qui doit gagner sa vie en faisant du taxi et qui, tout à coup, transforme son taxi en une clinique mobile! Je trouvais l’idée très amusante et très intelligente.»

On s’en doute, Deepak Chopra s’apercevra bien vite que son diplôme n’est pas reconnu! Il décide alors de dépanner les clients dans son véhicule, spécialement aménagé. Malheureusement, le fait qu’il prescrive illégalement des antidépresseurs à une jeune fille suicidaire lui attirera les foudres de la justice. Résolument comique, truffé de bons sentiments (Deepak tombe amoureux de la superbe Natalie, incarnée par Adrianne Palicki, qui accouche dans son taxi), Dr. Cabbie est également un drame.

«L’équilibre était délicat, a confié le cinéaste. De faire en sorte que l’on garde de l’humour dans le procès de manière à ne pas totalement basculer [vers le tragique], que le procès ne dure pas trop longtemps, etc. […] Le film avait énormément d’influences diverses et il fallait faire attention de ne pas en privilégier une afin de conserver une certaine homogénéité.»

«C’est une réalité qui n’est pas propre qu’aux médecins étrangers. Je pense que beaucoup d’autres professionnels d’autres pays deviennent chauffeurs de taxi. Pour moi, la réplique que j’aime le plus dans ce film est quand le propriétaire de la compagnie de taxi dit qu’il a plus de docteurs qu’à Harvard. La question sociale qui est soulevée est vraiment celle-là.»

Pour le réalisateur de La grande séduction, le cinéma est-il obligatoirement engagé? «Je vous dirais plutôt que, pour moi, la comédie origine nécessairement dans le drame. J’aurais de la difficulté, personnellement, à être dans le pur « slapstick » [NDLR: de la comédie basée sur de la gestuelle exagérée]. Non que ce ne soit pas bien, mais moi, j’y perds mes repères. Souvent, les producteurs me disent de ne pas oublier que le film est une comédie, mais je sais par où la faire venir. J’aime mieux d’abord comprendre, puis raconter le drame. Et, ultimement, le raconter avec un rythme et une tournure qui s’avèrent humoristiques. J’aime mieux partir du drame.» «Même quand je faisais les publicités de « Monsieur B » de Bell avec Benoît Brière et les gens de Cossette, nous avions toute l’histoire dramatique des personnages. Il me semble que c’est à ce moment-là que l’on s’attache aux personnages, quand on sent que l’humour est une façon de se protéger ou d’alléger le drame de nos vies», a-t-il précisé.

UN VRAI TAXI… NEW-YORKAIS!

Un film qui se déroule dans la communauté indienne, même celle qui a émigré au Canada, se doit de contenir des scènes musicales, dans la plus pure tradition de Bollywood. Et, si Jean-François Pouliot n’a pas choisi la musique entraînante de la trame sonore, il a pris grand soin de s’impliquer au niveau des trois chorégraphies de Dr. Cabbie… après avoir visionné un nombre non négligeable de longs métrages de Bollywood.

«J’ai appris que les films de Bollywood sont d’abord très longs, mais surtout basés sur le spectacle et la musique plus que sur le narratif. Le défi que j’avais était de marier ces deux genres, en fait, les deux cultures du cinéma nord-américain, qui est beaucoup plus rigoureuse au niveau du narratif, et de celle du cinéma Bollywoodien, qui est beaucoup plus festive, naïve.»

«J’ai tenu à participer aux chorégraphies. Mettre en scène un moment musical, c’est marier la caméra et les danseurs, et je tenais à travailler avec le chorégraphe pour que l’on bâtisse quelque chose qui soit cinématographiquement excitant», a dit celui qui ne conserve comme souvenirs de ses tournages qu’une version annotée du scénario, des croquis et des photos.

Une grande partie des scènes du film montrant Deepak exerçant sa profession de médecin dans son taxi, il est revenu au cinéaste de trouver le véhicule approprié… ce qui n’a pas été une mince affaire.

«C’est un taxi new-yorkais que nous avons eu de la difficulté à trouver parce que même New York n’en utilise plus d’aussi grands. J’avais deux raisons de choisir ce véhicule. Il fallait que le taxi se démarque quand j’allais le filmer dans les rues de Toronto et il fallait que je puisse le transformer en clinique. L’habitacle est celui du taxi d’origine. On y a ensuite rentré toutes sortes d’accessoires dont les filières [des dossiers de patients].»

Par contre, comme l’a indiqué Jean-François Pouliot, la scène de l’accouchement a nécessité un peu plus de créativité… et de démolition. Tournée dans un plus petit véhicule – le premier taxi que conduit Deepak est récent –, la naissance du bébé a obligé la production à «scier le taxi en deux afin de pouvoir filmer» ce moment.

Depuis quelques années, on assiste à l’émergence d’un cinéma canado-indien – on pense ici à des œuvres comme Tum Bin (2001),Bollywood/Hollywood (2002), Neal ‘n’ Nikki (2005) et «Breakaway (2011) –, un genre qui montre les spécificités de cette communauté grandissante.

«J’ai l’impression que la beauté de cela est que ça donne un cinéma qui n’est pas trop américain, a souligné le réalisateur de chez nous. Je trouve que, du côté du Canada anglais, c’est le danger auquel ils font face: que leur cinéma ne soit que le pâle reflet du cinéma américain. Ce genre de multiculturalisme [exprimé dans Dr. Cabbie] est plus canadien qu’américain, et cela donne au cinéma canadien anglais une identité un peu plus forte.»

Et, à l’inévitable question de savoir pourquoi le cinéma canadien est, soit québécois, soit influencé par l’immigration, Jean-François Pouliot a répondu en riant: «Ça, je ne sais pas!».

La bonne humeur de Dr. Cabbie illumine les écrans dès le 19 septembre.

Source : Canoe.ca

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