Exaspérés par Matricule 62

Des entrepreneurs et des chauffeurs de taxi sont exaspérés par un policier du centre-ville de Montréal, qu’ils accusent de distribuer des contraventions à répétition. Des tickets qui totalisent des milliers de dollars et qui sont parfois reçus jusqu’à neuf mois plus tard par la poste.

L’agent de circulation Pierre Bélanger, dit Matricule 62, fait son travail… mais peut-être trop bien au goût de plusieurs entrepreneurs et chauffeurs de taxi.

«On a des problèmes avec lui depuis des années. Il guette la moindre petite gaffe des chauffeurs et donne des contraventions à tout vent, par exemple lorsqu’un chauffeur est garé un peu en dehors du poste de taxi. C’est le seul policier avec qui on a autant de problèmes», témoigne George Azzi, directeur général de Taxi Coop.

9000$ de contraventions

«Cette année, on a reçu onze contraventions par la poste pour un total de 9000$. Certains constats dataient de plusieurs mois. Tous ont été émis par ce policier. Et ce n’est pas la première fois. C’est un fléau au centre-ville», confie un entrepreneur, à la tête d’une entreprise de télécommunications.

Ce dernier, comme tous les autres entrepreneurs qui ont contacté Le Journal à ce sujet, a demandé à demeurer anonyme par crainte de représailles.

Toutefois, Le Journal s’est assuré de la véracité de leurs témoignages et a vu des copies des constats d’infraction.

«Nous sommes une petite PME. On ne peut pas se permettre de perdre autant d’argent. Nous n’avons pas le choix; nous devrons augmenter nos prix», se désole l’entrepreneur.

Neuf mois plus tard

Dans la grande majorité des cas signalés par des entrepreneurs, les contraventions émises par le policier Bélanger concernaient l’absence de permis ou de signalisation adéquate pour des travaux.

«Pourtant, nous n’avons pas ces problèmes-là ailleurs sur l’île de Montréal. On essaie de respecter à la lettre nos plans de signalisation, mais c’est difficile avec la circulation. Et ce policier n’a aucune tolérance», indique le responsable d’une firme de transports.

L’entreprise a reçu le 6 janvier dernier neuf contraventions de l’agent Bélanger, certaines datant du début de l’année 2014.

«Le pattern est toujours le même. On reçoit plusieurs contraventions à la fois, des mois plus tard par la poste. Comment peut-on aller ensuite se défendre en Cour quand les événements remontent à plus de six mois?», demande-t-il.

«Ça serait apprécié que M. Bélanger sorte de son auto et vienne indiquer à nos équipes ce qu’elles font de mal. Sinon, comment peut-on se corriger?»

Chauffeurs au bout du rouleau

«Matricule 62», qui est agent de circulation, est bien connu des chauffeurs de taxis.

Le Journal rapportait en 2009 le cas de deux chauffeurs qui avaient écopé d’amendes salées du policier.

«Il est célèbre au centre-ville, blague Lahcen Mahrez, chauffeur pour Taxi Hochelaga. Nous ne sommes pas des anges. Nous méritons certaines contraventions. Mais dans le cas de ce policier, il y a clairement de l’abus.»

Le policier Bélanger a été cité deux fois à comparaître devant le Comité de déontologie policière. La première fois, le 6 avril 2010, il a été blanchi face à un chauffeur de taxi qui l’accusait d’avoir tenu des propos injurieux.

La deuxième fois, le 17 juin 2010, il a écopé d’une sanction de réprimande pour s’être moqué d’un chauffeur de taxi à qui il remettait une contravention.


9084 $

Une entreprise de télécommunications, Rive-Nord de Montréal

► 11 constats reçus en 2014 pour avoir occupé le domaine public sans permis et avoir omis d’installer une signalisation. Les infractions sont survenues entre août 2013 et octobre 2014.

«Ça nous fait perdre du temps et ce n’est pas constructif pour personne. C’est clairement une taxe déguisée de la Ville. Pourtant, on fait tout ce qu’on peut pour avoir des permis valides et des bons plans de signalisation», dit le propriétaire qui a requis l‘anonymat.


4842 $

Responsable d’une firme de transport, Montréal.

► Neuf constats reçus le 6 janvier 2014 pour des infractions datant de janvier à mai 2014, soit d’avoir négligé de se conformer au permis et avoir omis d’installer une signalisation.

«Je conteste toutes les contraventions. Mais c’est difficile de se défendre quand ça fait plus de six mois que c’est arrivé. C’est pratiquement impossible de se défendre, en fait», a indiqué le responsable sous le couvert de l’anonymat.


Près de 2000 $

PHOTO LE JOURNAL DE MONTRÉAL, SARAH-MAUDE LEFEBVRE

Jacques Valois, Enseignes Valois

► Deux contraventions le 17 mars 2014 pour avoir occupé le domaine public sans permis et avoir omis d’installer une signalisation.

► Au moins trois autres contraventions au cours des deux dernières années.

«J’effectue plus d’une centaine de travaux à Montréal chaque année. Tous les constats que je reçois proviennent de l’agent Bélanger. Je n’ai pas de problèmes avec aucun autre policier, dans aucune autre partie de la ville.»


283 $

PHOTO LE JOURNAL DE MONTRÉAL, SARAH-MAUDE LEFEBVRE

Lahcen Mahrez, chauffeur pour Taxi Hochelaga

► Une contravention émise et reçue le 22 mai 2014 pour avoir omis d’immobiliser son véhicule alors que les feux rouges d’un autobus scolaire étaient en fonction. Il affime connaître d’autres chauffeurs qui ont écopé de contraventions de l’agent Bélanger.

«Je juge que la contravention que M. Bélanger m’a donnée était totalement injustifiée. Je conteste, même si ça me fait perdre du temps. C’est une question d’argent et de principe.»


«Il fait son travail», dit le SPVM

Il a été impossible pour Le Journal de s’entretenir avec le chef du poste de quartier 21, dont relève M. Bélanger.

«On ne veut pas personnaliser cette affaire. Si des gens ont des doléances ou pensent être victimes de harcèlement, ils doivent aller devant les tribunaux», a commenté le porte-parole du SPVM, Laurent Gingras.

«Je ne pense pas que ce soit le policier qui pose problème. Il fait ce pourquoi on le paie, c’est-à-dire émettre des constats lorsqu’il y a une infraction.»

Par ailleurs, comme l’indique le SPVM, les policiers peuvent choisir d’émettre des constats sans rencontrer les personnes concernées. Ils ont jusqu’à un an pour poster les contraventions.


Une pratique inappropriée

Entretien avec Alfredo Munoz, président de SOS Ticket

PHOTO LE JOURNAL DE MONTRÉAL, SARAH-MAUDE LEFEBVRE

Est-ce fréquent de recevoir un constat d’infraction par la poste, des mois après l’événement?

Cela arrive. Selon moi, ce n’est pas une pratique appropriée. Quand un policier constate une infraction, il devrait avoir l’honnêteté de la signaler à la personne concernée. Si une personne n’agit pas correctement et que personne ne lui explique, elle ne changera pas son comportement. Et les tickets continueront à s’empiler.

Est-il plus difficile de contester une contravention à la Cour municipale lorsque l’infraction remonte à plusieurs mois?

Oui. Le juge veut connaître les circonstances et notre version des faits. Mais c’est très difficile de se souvenir des moindres détails lorsque le constat remonte à plusieurs mois. Selon mon expertise, certains juges peuvent toutefois être sensibles à cette réalité.

À votre avis, l’arrondissement de Ville-Marie est-il problématique quant aux contraventions?

Le centre-ville est un endroit où l’on émet énormément de constats. La plaie, c’est le stationnement et les permis. Surtout que les règles ont été resserrées énormément au cours des dernières années.

Source : Journal de Montréal

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