Révolte des taxis contre les téléphones intelligents

La technologie de géolocalisation des téléphones intelligents révolutionne l’industrie du taxi, mais l’expérience ne se fait pas sans heurt. Les chauffeurs de taxi de plusieurs villes européennes, dont ceux de Londres, tiennent une journée de grève pour dénoncer la concurrence que leur font les entreprises utilisant les applications des téléphones intelligents pour entrer en contact directement avec les clients.

Les chauffeurs de taxi estiment que ces entreprises de « voitures de tourisme avec chauffeur », surtout exploitées par la compagnie américaine Ubber, leur livrent une concurrence déloyale. Uber a développé une application qui permet au client de héler virtuellement le taxi le plus près de lui à l’aide d’un téléphone intelligent, grâce à la fonction de géolocalisation, sans passer par les services d’un répartiteur.

Le processus permet à l’entreprise d’offrir des tarifs avantageux en supprimant l’intervention des répartiteurs.

Le mouvement de grève a pris naissance à Londres où les célèbres taxis noirs craignent de se faire doubler par ce service privé. À Paris, les taxis se rassembleront aux principaux aéroports avant de converger vers le centre-ville. En Allemagne, il vont défiler en cortège et à Rome, ils ont décidé de travailler, mais en abaissant leurs tarifs, pour faire exactement ce qu’ils reprochent à leurs concurrents.

Les « Black cabs » à l’origine de la révolte

« Il y a deux marchés: celui des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) et les taxis noirs londoniens. Uber travaille illégalement ici », affirme un chauffeur de « black cab » londonien depuis 20 ans, Martin Holmes. Les taxis noirs de Londres subissent la concurrence des VTC depuis plus de 50 ans. Ils ont obtenu une régulation de l’industrie en 1998, les VTC ne pouvant prendre que les clients qui ont passé une commande. L’avènement du téléphone intelligent et de la géolocalisation a toutefois bouleversé la pratique à nouveau.

Le téléphone intelligent détermine le prix de la course en fonction de sa durée et de la distance à parcourir. La concurrence est féroce à Londres où 25 000 taxis noirs sillonnent les mêmes rues que les 53 000 VTC. Un ratio d’un taxi pour 100 habitants.

« Les VTC nous ont pris des clients », avance un chauffeur de 53 ans, Mickel Long. « Je dois désormais travailler 70 heures par semaine, week-end compris, pour gagner autant qu’il y a une dizaine d’années, quand je ne sortais pas les week-ends », poursuit-il. « Je gagne environ 900 $ par semaine, c’est autant qu’avant, en travaillant plus », déplore-t-il en évoquant ses 20 ans de métier.

Un autre chauffeur, Hassan Mahamat, 33 ans, est un ancien plombier récemment reconverti en chauffeur de taxi. « J’ai choisi ce métier, car je peux aménager mes horaires, explique-t-il. Je pensais voir davantage ma femme et mes enfants, mais pour gagner de quoi payer mes charges et faire vivre ma famille, je travaille 80 heures par semaine, week-end compris », témoigne-t-il. L’homme a dû payer 22 000 dollars pour obtenir sa licence de taxi en plus de suivre des cours pendant cinq ans pour apprendre les 25 000 rues de la ville par cœur et les itinéraires les plus rapides.

De plus, les taxis londoniens sont soumis à une réglementation plus stricte. « Le véhicule ne doit pas avoir plus de 15 ans et être accessible aux handicapés », précise un autre chauffeur de 41 ans, Steve Hawkins. Sans oublier que l’habitacle des « black cabs » doit être suffisamment élevé pour permettre au client garder leur chapeau melon sur la tête pendant le trajet.

« Nous ne voulons par interdire Uber, mais ils doivent appliquer les règles et ce n’est pas le cas actuellement », soutient le secrétaire général de l’Association des chauffeurs de taxis à Londres, Steve McNamara.

Toronto poursuit Uber

Le mouvement de grève européen n’est pas suivi par les chauffeurs nord-américains, mais Uber rencontre de la résistance du milieu du taxi à Montréal et Toronto. Uber opère d’ailleurs dans l’illégalité à Montréal où elle a décidé de contester la loi qui lui interdit de pratiquer dans la métropole québécoise. « On est en discussion avec le bureau du Taxi, on les a rencontrés », explique le directeur général du bureau montréalais de Uber, Jean-Nicolas Guillemette. « On va continuer de les rencontrer pour trouver une façon d’améliorer la loi. »

Les rencontres entre les représentants d’Uber et l’industrie du taxi n’a toutefois rien donné, selon le responsable des transports au comité exécutif de la Ville de Montréal, Aref Salem. « On sait déjà que leur stratégie est de nous amener en cour et de gagner du temps », explique M. Salem. « On ne veut pas jouer leur jeu, on veut être plus vigilant. S’ils veulent continuer à avoir de la publicité négative, c’est le chemin à prendre, mais ils doivent raisonner et comprendre que les choses à Montréal ne se font pas comme ça. »

La Ville de Toronto a entrepris des poursuites contre Uber, en 2012, pour forcer l’entreprise à se doter d’un permis pour régulariser ses activités. De son côté, la Ville de Montréal attendra la décision du tribunal ontarien avant de se lancer dans une bataille juridique.

Une entreprise concurrente d’Uber, Hailo, s’est quant à elle munie d’un permis pour respecter la réglementation montréalaise.

Avec les informations d’Alexandre Touchette

Source : Radio-Canada.ca

Toutes les nouvelles >