Taxis: la fonction publique lève le pied

Les compagnies de taxi ont perdu de nombreux clients, même s’ils continuent à faire de bonnes affaires avec les fonctionnaires de la région, selon des documents obtenus grâce à la Loi sur l’accès à l’information.

Depuis 2009, tous les ministères fédéraux sont tenus de ne pas augmenter les dépenses liées « aux voyages, aux conférences et à l’accueil », ce qui inclut les frais de transport en taxi.

Les fonctionnaires de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) de la région se sont particulièrement serré la ceinture, depuis que le gouvernement a annoncé un resserrement des dépenses pour les déplacements de tous les employés de la fonction publique.

En 2008-2009, les fonctionnaires du TPSGC ont demandé au total 1,8 million$ en remboursements pour des billets de taxi. Cette somme a chuté à 1,325 million$ quatre ans plus tard, ce qui représente une baisse de plus du quart (26 %).

« TPSGC fait des efforts soutenus pour contrôler les dépenses, indique un porte-parole, Pierre-Alain Bujold. En raison des mesures de limitation des coûts annoncées dans les récents budgets, TPSGC a établi un [tel] plafond ainsi qu’un contrôle continu des dépenses, comme l’utilisation de taxis, ce qui a entraîné des économies. »

Au lieu de sillonner les rues en taxi, les fonctionnaires de TPSGC ont davantage eu recours aux « vidéoconférences » ou la « présence virtuelle », précise M. Bujold.

Tous les ministères n’ont pas réussi à respecter à la lettre la consigne émanant du bureau du ministère des Finances.

L’année dernière, le ministère de la Défense a réclamé des dépenses de près de 660000 $ en coupons de taxis pour ses employés de la région, par rapport à 612000 $ en 2009. Un pic de 850000 $ a été atteint en 2011.

Dans une réponse écrite en anglais – alors que la question avait été formulée en français -, le ministère se défend, indiquant qu’il a 8500 employés disséminés en 40 lieux différents dans la région de la capitale fédérale. « Parfois », écrit la porte-parole, Linda Vena, le travail requiert l’utilisation du taxi.

« Tout est fait en notre pouvoir pour utiliser le courrier électronique, la téléconférence et la vidéoconférence, mais il y a des moments où l’utilisation des taxis est nécessaire », lit-on.

Le ministère estime avoir réduit ses dépenses en la matière de 20 %. D’autres économies sont à prévoir, selon Mme Vena, grâce à la consolidation des quartiers généraux de la Défense nationale au Complexe Carling (l’ancien campus de Nortel), en 2015.

Le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement a quant à lui levé le pied, réclamant des dépenses de 877000 $ en frais de taxi l’an passé, comparativement à 1,1 million$ en 2009. Les coûts encourus en 2013 ont toutefois été gonflés en raison de la fusion au ministère de l’ex-ACDI. En 2012, le bureau de John Baird a réclamé 835000 $ en frais de taxi pour ses employés d’Ottawa-Gatineau.

Les économies réalisées par les différents ministères ont entre autres servi à accroître l’utilisation de la technologie de la téléprésence, qui permet entre autres aux participants de voir des vidéos grandeur nature et en temps réel.

Temps difficiles pour les chauffeurs de taxi

Elle n’est pas facile, la vie de chauffeur de taxi dans la région de la capitale nationale, en période de compressions dans l’appareil fédéral.

Pendant que le gouvernement économise des centaines de milliers de dollars avec des politiques qui restreignent l’utilisation par ses employés de coupons de taxi, les chauffeurs voient une importante part de leurs revenus d’hier atterrir aujourd’hui dans les coffres de l’État.

« Ça fait 15 ans que je fais le taxi, et je n’ai jamais vu ça. Je travaille sept jours (par semaine). Je ne fais pas d’argent, lance Louis Mounir, par la fenêtre de sa voiture stationnée à l’ombre d’un édifice de Place du Portage. On a perdu environ 100 $ par jour. »

Il est presque midi. À quelques mètres de là, un autre chauffeur, qui souhaite rester anonyme, sort de sa poche de chemise le fruit de son labeur. « Un coupon de taxi et deux cartes Visa ». Trois clients, depuis huit heures le matin.

En ce Jeudi saint, il ne faut pas s’attendre à rouler sur l’or, relativise un collègue. Les journées sont plus tranquilles à l’approche d’une longue fin de semaine, raconte Tony Fattoucho.

Il n’en demeure pas moins que le chauffeur, du haut de ses vingt ans d’expérience, ressent brutalement les conséquences du plan de réduction des dépenses du gouvernement fédéral.

« Pas loin de 75 % de nos clients sont les fonctionnaires, explique-t-il candidement. Vous pouvez faire le calcul. »

D’autres facteurs accablent la profession, comme le prix de l’essence, qui grimpe sans cesse.

« Au lieu d’avoir une petite augmentation de salaire chaque année comme tout le monde, c’est une baisse que nous avons, affirme-t-il. Nous sommes des travailleurs autonomes. Et on ne suit pas le taux d’inflation. Notre pouvoir d’achat diminue de plus en plus. »

La propriétaire d’une des compagnies de taxi cité dans les documents obtenus grâce à la Loi sur l’accès à l’information, Bob Taxi, se doutait bien que son entreprise serait touchée lorsque les compressions ont été annoncées dans l’appareil fédéral. Les piles de coupons de taxi se sont ensuite mises à fondre à vue d’oeil.

« Notre entreprise va encore très bien, assure la propriétaire, qui n’a pas souhaité révéler son nom. Ce n’est pas catastrophique. »

Source : LaPresse.ca

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