Une première : cinq taxis roulent à l’hydrogène dans Paris

Ces voitures sont équipées de piles à combustible, une technologie encore très peu déployée. Derrière cette opération : Air Liquide, leader mondial de la fabrication de ce combustible.

Ils sont bleus avec quelques nuages blancs imprimés sur les flancs et le capot avant. Les cinq nouveaux taxis de Step (Société du taxi électrique parisien), jeune compagnie parisienne, évoquent le grand air et la pureté, reflets du ciel au-dessus d’eux, SUV à l’empreinte carbone qui se veut invisible. C’est le message : ces Hyundai ix35 équipés de piles à combustible sont les porte-étendards d’une motorisation dite propre, cinq voitures roulant à l’hydrogène et crachant de la vapeur d’eau. «On est prêt, les taxis seront dans les rues mardi matin», assure le patron de la start-up, Mathieu Gardies. La maire de Paris, Anne Hidalgo, s’était déplacée lundi après-midi pour inaugurer la première station d’hydrogène installée à Paris, cours Albert-Ier, près du Pont de l’Alma (VIIIe arrondissement), en compagnie des responsables de la start-up, du groupe Air Liquide qui a installé la pompe et des représentants de Hyundai France, premier constructeur à commercialiser ces véhicules.

L’initiative est inédite : les voitures propulsées à l’hydrogène ne courent pas les rues. Le coréen en a vendu 250 en Europe… et sept en France, dont cinq sont désormais flanqués d’un lumineux sur le toit. Les deux autres sont la propriété de la société Air Liquide. Le Conseil général de la Manche s’est également porté acquéreur d’une petite flotte pour ses agents et sera livré début janvier.

Le marché est donc balbutiant, pour deux raisons. L’infrastructure n’existe pas : il n’y a que sept stations à hydrogène en France, et «à usage privé», précise un porte-parole de Hyundai. Deuxièmement, le coût de la voiture est très élevé, en raison de la présence de platine dans la pile à combustible et de la nécessité d’équiper les véhicules d’un réservoir ultrarésistant, capable de supporter 700 bars de gaz. «La bonbonne est constituée de deux doubles peaux, en carbone et en aluminium», précise Hyundai. Résultat : la ix35 à hydrogène est annoncée à 66 000 euros, alors que sa version thermique est deux fois mois chère.

Petite centrale

«On assume le surcoût», assure Mathieu Gardies. Le patron de la start-up cherchait depuis cinq ans à lancer une compagnie de taxis à énergie propre. Son premier choix s’était porté sur les voitures électriques à batterie, une piste vite abandonnée «pour des raisons opérationnelles». L’autonomie est encore trop faible pour permettre à une voiture «plug in» de faire le taxi une journée entière sans passer par une borne de recharge, où le temps de chargement de plusieurs heures plombe le modèle économique. La voiture à hydrogène résout cette impasse. La pile à combustible est une petite centrale qui produit sa propre électricité et l’autonomie dépasse les 500 kilomètres.

Mais encore fallait-il une station dans Paris. Ce qu’a autorisé la mairie.«Nous sommes à vos côtés» a assuré Anne Hidalgo, qui a souhaité que ce lancement se fasse lors de la COP21, «au moment où tous les projecteurs sont braqués sur Paris». Un souci de la communication que ne pouvait qu’approuver Air Liquide, maillon porteur dans ce projet. Leader mondial dans la fabrication et la fourniture d’hydrogène, le groupe va installer dans les prochains mois trois stations à hydrogène en région parisienne, près des deux aéroports d’Orly et de Roissy, et un autre à l’ouest de la capitale.

Voilà des années qu’Air Liquide se fait le promoteur de cette énergie, sans grand succès en France. Les deux constructeurs nationaux, Renault et PSA, ne misant plus sur cette technologie. «A moins qu’il y ait une rupture technologique permettant de se passer du platine dans la pile, je ne vois pas comment on pourra faire baisser le prix d’une voiture à hydrogène», nous avoue un cadre de Renault, qui a travaillé sur la pile à combustible au début des années 2000. Par ailleurs, à l’usage, l’hydrogène est à peine moins cher que l’essence ou le diesel, alors qu’il n’est pas taxé.

«Pas de nuisances sonores»

Air Liquide espère pourtant un changement de stratégie des constructeurs français et compte sur les annonces de lancement d’autres constructeurs étrangers. Tout en vantant l’apport environnemental de son combustible. La fabrication d’hydrogène est consommatrice d’énergie, mais le groupe assure que 50% de cette production est aujourd’hui décarbonée, grâce notamment à l’utilisation d’énergie renouvelable.

Reste à en faire la promotion auprès du grand public. Et quoi de mieux que le transport de personnes. «Il n’y a pas mieux vendeur qu’un chauffeur de taxis», assure Xavier Pontone. Directeur général d’Air Liquide, il est aussi administrateur de Step – Air Liquide étant actionnaire minoritaire de la start-up. «Les gens vont pouvoir en profiter, voir ce qu’une voiture apporte en confort de conduite, sans nuisances sonores.» Objectif avoué : diffuser la mobilité à hydrogène, faire en sorte qu’elle soit partagée et, si possible, adoptée par le grand public. Step vise les 70 taxis à hydrogène en 2016 et «plusieurs centaines» les années suivantes. De quoi propager la bonne parole.

Source : Libération.fr

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